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L’open data des décisions de justice en France : le lancement des plateformes du Conseil d’État et de la Cour de cassation

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En cinq ans, l’open data des décisions de justice (« open » se rapportant à l’« ouverture » des données) s’est accéléré, afin d’assurer l’accessibilité en ligne des décisions de justice auprès du public. Cette évolution (que certains pourraient caractériser de révolution) est le fruit d’une évolution législative et réglementaire ambitieuse, couronnée par le lancement de deux plateformes d’envergure par le Conseil d’État et la Cour de cassation. Les traitements de données à caractère personnel associés ont ainsi été définis au sein du décret n° 2021-1276 du 30 septembre 2021.

 

  1. La réforme ambitieuse de l’open data des décisions de justice en France

La loi n° 2016-1321 pour une République numérique a posé les premiers jalons de l’open data des décisions de justice en France. Il était alors prévu que les décisions judiciaires et administratives soient mises à la disposition du public de manière gratuite, « dans le respect de la vie privée des personnes » (articles 20 et 21 de cette loi).

Cette réforme ambitieuse s’est accompagnée de réflexions poussées quant à son effectivité. En 2017, le rapport sur L’open data des décisions de justice (« Rapport Cadiet ») rappelait les enjeux de l’ouverture des données de justice en France et les défis à surmonter. Ce rapport évoquait en particulier l’importance de garantir l’accès effectif à l’information, en prenant en compte l’enjeu de protection de la vie privée des personnes. Cette mise en balance nécessaire s’est accompagnée de propositions concrètes telles que la définition du « socle des règles essentielles de pseudonymisation » complétée par des « recommandations de la CNIL » (recommandations n° 2 et 3 du Rapport).

Le cadre juridique est logiquement modifié par la suite. Une mesure d’occultation systématique des noms et prénoms des personnes physiques, parties ou tiers, doit être réalisée préalablement à la mise à disposition des décisions de justice auprès du public (loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice, article 33). De plus, « des mesures d'occultation des éléments d'identification des personnes physiques, parties ou tiers ou bien encore magistrats ou membres de greffe, en cas d'atteinte à leur vie privée ou leur sécurité » (décret n° 2020-797 relatif à la mise à disposition du public des décisions des juridictions judiciaires et administratives). Ces impératifs doivent se conjuguer avec la quantité de décisions concernées par la réforme de l’open data.

  1. Le lancement de l’open data des décisions de justice par le Conseil d’État et la Cour de cassation

Le décret n° 2021-1276 du 30 septembre 2021 a complété le cadre juridique de l’open data des décisions de justice. Il y est annoncé la création du traitement de données à caractère personnel « Décisions de la justice administrative » au sein du Conseil d’Etat, et du traitement de données à caractère personnel « Judilibre » au sein de la Cour de cassation (article 1er du décret). Sans surprise, les données à caractère personnel traitées se rapportent à celles « mentionnées dans les décisions de justice » (article 2 du décret).

Le 1er octobre 2021, les plateformes liées sont lancées par la Cour de cassation et le Conseil d’État. Ainsi, la Cour de cassation précise sur son site internet que près de 480 000 décisions sont désormais accessibles de manière pseudonymisée via le moteur de recherche Judilibre. Le Conseil d’État annonce quant à lui le lancement de sa nouvelle plateforme https://opendata.conseil-etat.fr/ sur son site internet : l’intégralité des décisions rendues par le Conseil d’État à compter du 30 septembre 2021 seront désormais disponibles, et viendront compléter la base de jurisprudence Ariane Web qui comporte près de 270 000 décisions.

Il est à noter qu’un calendrier particulier a été établi afin de permettre l’open data de l’ensemble des décisions judiciaires et administratives (voir l’arrêté du 28 avril 2021 pris en application de l’article 9 du Décret n° 2020-797 du 29 juin 2020). Chaque année, de nouvelles décisions devraient être rendues publiques. Au 31 décembre 2025, les dernières décisions concernées (les décisions rendues par les cours d'appel en matière contraventionnelle, délictuelle et criminelle) devraient être rendues accessibles.

Il sera alors remarquable d’observer que l’open data des décisions de justice aura été mise en œuvre de manière effective - et spectaculaire - en moins de dix ans en France.