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revisités au format numérique

Ouverture de la plateforme TIG 360 aux avocats

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Les peines qui peuvent être prononcées à l’issue d’un procès pénal sont de natures diverses. Parmi elles, il existe le travail d’intérêt général (TIG), créé par une loi du 10 juin 1983 entrée en vigueur le 01er janvier 1984, et codifié à l’article 131-8 du Code pénal.

Il s’agit d’une peine consistant en un travail d’intérêt général non rémunéré, effectué par une personne condamnée pour un délit puni d’une peine d’emprisonnement ou pour certaines contraventions de cinquième classe. La personne contre laquelle elle peut être prononcée doit avoir au moins 16 ans au moment de la décision et son accord doit être recueilli.

Pensé comme alternative à l’emprisonnement et comme solution à l’épineuse question de la récidive, le TIG semble paré de vertus à la fois rédemptrices et protectrices. L’intérêt bien compris entre une personne condamnée qui se voit offrir une activité formatrice à la place d’une peine de prison et une société qui l’accueille en lui donnant des perspectives d’insertion, est le fil rouge de cette institution paradoxalement peu mise en pratique.

C’est face au constat de la relative rareté du prononcé de cette peine que le gouvernement a mis en place un certain nombre de mesures destinées à promouvoir le TIG et ainsi lui donner une place de choix dans les cas où la peine d’emprisonnement peut être évitée.

Le 7 décembre 2018, un décret a créé l’Agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice (ATIGIP). Cette agence a pour mission de développer le travail d’intérêt général mais également la formation professionnelle, le travail et l’insertion professionnelle des personnes condamnées pour une infraction pénale.

La « main de la justice » veut évoquer la réhabilitation aussi bien que la contention et pour ce faire, elle fait appel à l’activité économique. L’agence est ainsi chargée de rendre plus opérationnelle une confiance affichée dans le travail réparateur.

Concrètement, elle met en place des partenariats nationaux avec différents acteurs économiques du pays afin de diversifier l’offre de TIG et tenter de l’adapter aux objectifs de formation et d’insertion professionnelles.

Pour faciliter sa mission, l’agence a développé une plateforme numérique, nommée TIG 360, rassemblant l’offre et la demande de travail d’intérêt général. Dans cette optique, cet outil est progressivement ouvert à tous les acteurs du TIG : magistrats, greffiers, structures accueillantes, SPIP (Service de probation et d’insertion professionnelle) ou STEMO pour les mineurs (Services territoriaux éducatifs de milieu ouvert) qui font le lien entre la décision judiciaire et sa mise en œuvre, personne condamnée, et avocat.

L’avocat se verra en effet ouvrir l’accès à TIG 360 à partir du 4 octobre prochain.

L’idée est d’associer le défenseur du prévenu à la promotion des alternatives à l’incarcération en lui permettant d’adapter sa plaidoirie à une réalité économique vérifiée.

En pratique, il lui faudra consulter la plateforme avant l’audience, trouver l’offre de TIG adéquate, récolter l’accord du client et servir le tout à un magistrat qui aura, lui aussi, pu consulter et constater l’existence, ou l’inexistence, d’un poste disponible.

L’inutilité d’être plusieurs à consulter la même chose mise à part, d’autres difficultés pourraient se présenter.

Sur un plan pratique, tout d’abord, l’intérêt de la mesure sera de consulter le site le plus tard possible avant la plaidoirie. Un smartphone en état de marche, connecté et chargé au moment d’entrer en audience sera donc un incontournable de la défense. Une difficulté technique et toutes les bonnes intentions resteront sur le carreau de la salle des pas perdus. A ce sujet, la technique risquera-t-elle d’engager la responsabilité de l’avocat ?

Ensuite, le site devra être mis à jour. Plaider un TIG sur la base d’une offre particulièrement adaptée au profil du client, laquelle s’avèrerait obsolète par la suite, ne serait que mascarade.

Plus sérieusement, le fait d’associer l’avocat à la promotion de mesures alternatives à l’emprisonnement par le biais de la proposition d’une offre précise pose la question de ce qu’il pourra faire en cas d’absence d’une telle offre. Certes, après la juridiction de jugement, le juge d’application des peines peut convertir une peine de prison en TIG. Néanmoins, puisque l’on parle de l’intervention de l’avocat, on se place du point de vue de son rôle devant l’un de ces magistrats. Si, face à son Smartphone chargé, le défenseur ne trouve aucune offre correspondant au profil de son client, pourra-t-il néanmoins plaider le TIG ? La réponse ne peut qu’être positive mais sera-t-il entendu ?

La problématique doit être posée car l’avocat est au carrefour des idées et de la pratique, il œuvre à partir de ces deux grands matériaux dont aucun ne doit prendre le pas sur l’autre. Ses plaidoiries incluent les circonstances spéciales à une espèce mais ne doivent pas dépendre d’elles. Or, le risque est réel qu’à s’intéresser aux modalités précises de l’exécution de la peine avant la décision pénale, on finisse par restreindre les possibilités d’obtenir un TIG.

Enfin, le développement du TIG, avec la diversification des partenaires et l’augmentation du plafond horaire qui passe de 250 heures à 400 heures, pose également des questions quant aux contrôles des modalités de mise en œuvre de cette mesure. En ce cas, l’avocat bénéficiera-t-il d’une possibilité d’interagir avec les acteurs lorsque d’éventuels abus seront portés à sa connaissance ?

En conclusion, voici une mesure dont l’utilité paraît marginale et dont l’esprit pourrait comporter, en germe, des risques de contention du rôle de l’avocat.