Action en bornage : un obstacle infranchissable !
Un texte de loi, aussi limpide qu’il puisse paraître, peut toujours donner lieu à difficulté d’interprétation. En témoigne ainsi un récent arrêt de la Cour de cassation faisant suite à une action en bornage ayant échoué du fait d’une frontière naturelle entre les fonds, en l’occurrence une falaise, infranchissable du moins sans moyen technique approprié (Cass. 3e civ., 13 déc. 2018, no 17-31270 : bull.)
Ici, des propriétaires avaient assigné un voisin aux fins de faire procéder au bornage de leurs propriétés. Cette action se fondait sur l’article 646 du Code civil selon lequel « tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se fait à frais communs ».
Pourtant, leur action a échoué en appel tout autant qu’en cassation.
Dans une affaire précédente, la Cour de cassation avait déjà jugé que la « contiguïté constitue la condition nécessaire et suffisante à l'accueil d'une demande en bornage » (Cass. 3e civ., 8 déc. 2010, no 09-17005 : bull.). Dans cette précédente affaire, les fonds étaient séparés par un chemin rural, mais selon la Cour, ce chemin litigieux était un « chemin d'exploitation » qui, de ce fait créait la contiguïté entre les fonds.
Dans une autre décision, c’était un ruisseau qui séparait les propriétés, empêchant l’action en bornage. La Cour de cassation précisait alors que « l'action en bornage ne peut être exercée lorsque les fonds sont séparés par un ruisseau formant entre eux une limite naturelle » (Cass. 3e civ., 12 oct. 2004, no 03-12727 : bull.).
Dans la présente espèce, le critère de contiguïté faisait également défaut. En effet, la Cour suprême de l’ordre judiciaire rappelle qu’une action en bornage ne peut être exercée lorsque des fonds sont séparés par une limite naturelle. Or, la cour d’appel avait constaté que la parcelle du voisin était séparée de celle des demandeurs par une falaise dessinant une limite non seulement naturelle mais encore infranchissable sans moyen technique approprié.
Les terrains n’étaient ainsi pas contigus et la cour d'appel en a exactement déduit que l'action n'était pas fondée.
Il est cependant permis de se poser la question suivante : la Cour de cassation, en remarquant que la falaise dessinait entre les parcelles une limite non seulement naturelle mais aussi infranchissable (avec des moyens raisonnables), a-elle voulu ajouter une condition supplémentaire à la simple présence d’un obstacle naturel ?