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Entrée en vigueur du Code de la justice pénale des mineurs : vers l'inconnu et au-delà !

Par Benoît Le Dévédec

Publié le

Ce 30 septembre 2021 entrera en vigueur le Code de la justice pénale des mineurs (CJPM). Il succèdera à la mythique ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, plus communément appelée « l’Ordonnance de 45 ». Cette Charte de l’enfance délinquante, à la fin de la guerre, et dans la droite ligne de la loi de 1912, a consolidé les principes déjà posés par cette dernière, à savoir la spécialisation des acteurs et des procédures, la prise en compte du discernement du mineur dans l’engagement de sa responsabilité, celle de son âge et de sa personnalité dans les sanctions applicables et appliquées, ainsi que la primauté de l’éducatif sur le répressif. Allant encore plus loin, l’Ordonnance de 1945 a notamment renforcé l’objectif de relèvement moral du mineur par l’éducation.

 

Alors que de nombreux professionnels lui portaient un attachement quasi affectif, celle qui prévoyait dans un exposé des motifs qui restera gravé dans l’histoire que « La France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains » était devenue illisible. Les 60 réformes qu’elle a subies l’ont rendue complexe et difficilement manipulable. Il était temps de l’abandonner.

 

Plutôt qu’une énième réforme de ce texte, le pouvoir exécutif a préféré l’abroger pour le remplacer par un nouveau. Ainsi, tout comme le gouvernement provisoire de la République française avait créé l’ordonnance du 2 février 1945, celui de 2019 a créé, là aussi par ordonnance en date du 11 septembre 2019, le Code de la justice pénale des mineurs. Il a obtenu l’habilitation d’agir par voie d’ordonnance par l’article 93 de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Le nom choisi pour le Code reprend à la lettre celui proposé par la commission Varinard, en 2008, qui semble également avoir inspiré en partie le fond du texte. S’il devait initialement entrer en vigueur le 1er octobre 2020, la crise sanitaire liée à la Covid-19 a nécessité un premier report au 31 mars 2021, puis un second au 30 septembre 2021, à la faveur de la loi n°2021-218 du 26 février 2021 ratifiant l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs, entre autres modifications ultimes.

 

D’importantes critiques tenant à la méthode de création et d’adoption de ce Code se sont fait entendre. Elles ont en grande partie été prises en compte par les parlementaires qui, lors du vote de ratification du Code de la justice pénale des mineurs, ont permis de pallier les carences en termes de débats et de consultations. Même si certains points peuvent encore faire l’objet d’améliorations, la réforme entreprise semble être une réussite. Le Code présente une architecture et un plan structurés, rendant sa lecture plus claire, avec des dispositions plus cohérentes, le tout renforçant l’efficacité des procédures qu’il régit. S’il s’inscrit majoritairement dans la lignée des normes l’ayant précédé, le Code de la justice pénale des mineurs apporte des innovations substantielles en la matière, notamment une définition de la notion de discernement, la suppression des sanctions éducatives (absorbées en grande partie par les mesures éducatives), le retrait des pouvoirs d’instruction du juge pour enfant (qui retournent dans la compétence du juge d’instruction classique), ainsi que la généralisation de la procédure de césure pénale.

La grande inconnue porte d’ailleurs sur ce tout dernier point : présentée comme une disposition améliorant la célérité et donc l’efficacité de la justice des mineurs, la césure pénale est perçue par les magistrats et les auxiliaires de justice comme une charge supplémentaire pour les juridictions déjà encombrées. Elle permettra de juger un mineur sur sa culpabilité et les intérêts civils dans un délai de 10 jours à 3 mois après son interpellation (art. L. 423-7 du CJPM), puis de faire décider de la sanction passé un délai de 6 à 9 mois durant lequel une mise à l’épreuve éducative permettrait d’envisager la meilleure peine possible (art. L. 521-9 du CJPM).

Cela devra nécessairement entraîner des adaptations dans les pratiques de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Plus que jamais, le temps sera la clé de voûte de cette justice particulière.