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La fin du tarif de postulation devant le TGI, la réforme de la postulation territoriale et les nouvelles modalités de représentation devant la cour d'appel statuant en matière prud'homale

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1. La fin du tarif de postulation des avocats devant le tribunal de grande instance

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « Loi Macron » examinée et validée par le Conseil constitutionnel (Cons. constit., déc. n° 2015-715 du 5 août 2015, no 2015-715 DC), publiée au Journal officiel du 7 août 2015, a supprimé le tarif de postulation prévu pour les avocats par le décret n° 60-323 du 2 avril 1960.

L’article 51 de ladite loi prévoit que la postulation relève des honoraires libres : « les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil de rédaction d’actes juridiques sous-seing privés et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. »

En revanche, les droits et émoluments de l’avocat en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires sont  fixés sur la base d’un tarif déterminé selon les modalités prévues au titre IV bis du livre IV du Code de commerce.

Le tarif de postulation prévu par le décret du 2 avril 1960 reste applicable aux affaires anciennes introduites avant la promulgation de la loi Macron.

2. Le nouveau régime de la postulation territoriale

La loi du 6 août 2015 a élargi le champ de la postulation des avocats au ressort de la cour d’appel ; ces dispositions entrées en application le 1er août 2016, comportent deux types d’exception et le non-respect des règles de postulation est sanctionné au niveau procédural.

  • Le principe

Le principe de la territorialité correspond au ressort de la cour d’appel. À compter du  1er août 2016, les avocats pourront postuler devant l’ensemble des tribunaux de grande instance du ressort de la cour d’appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d’appel. C’est ainsi qu’un avocat inscrit au barreau de Lorient pourra plaider devant les TGI de Quimper, Vannes, Brest, Saint Brieuc, Saint Malo, Rennes, Saint Nazaire et Nantes ainsi que devant la cour d’appel de Rennes

  • Les exceptions

Celles tenant à la nature du contentieux ou aux modalités d’intervention de l’avocat : le champ de la postulation reste limité au ressort du tribunal de grande instance dans les cas  suivants : procédures de saisie immobilière, procédures de partage et de licitation, cas où l’avocat intervient au titre de l’aide juridictionnelle et dans les instances dans lesquelles il ne serait pas maître de l’affaire chargé également d’assurer la plaidoirie c’est-à-dire s’il est déjà le postulant d’un autre avocat exerçant dans le ressort d’une autre cour d’appel : par exemple, l’avocat inscrit au barreau de Brest s’il a été mandaté par un avocat de Bordeaux, ne pourra pas représenter le client devant le tribunal de grande instance de Vannes : il faudra faire appel à un avocat inscrit dans le ressort de ce tribunal de grande instance. En matière d’aide juridictionnelle, un avocat ne pourra pas postuler devant un tribunal autre que celui auprès duquel sa résidence professionnelle est établie ; c’est ainsi que, pour une affaire relevant de la compétence d’un tribunal de grande instance différent de celui du domicile du justiciable mais situé dans la même cour d’appel, si le justiciable dépose une demande d’aide juridictionnelle auprès du bureau d’aide juridictionnelle établi au siège du tribunal de grande instance de son domicile, ce bureau doit transmettre le dossier au bureau compétent pour statuer sur la demande. Un avocat inscrit au barreau du tribunal de grande instance du domicile du demandeur ne peut être désigné.

  • L’exception spécifique à la région parisienne

L’article 5-1 nouveau de la loi du 31 décembre 1971 issu de la loi Macron conserve l’aménagement spécifique de la postulation propre à la région parisienne où un régime de multipostulation est en vigueur : « Par dérogation au deuxième alinéa de l’article 5, les avocats inscrits au barreau de l’un des tribunaux de grande instance de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre peuvent postuler auprès de chacune de ces juridictions. Ils peuvent postuler auprès de la cour d’appel de Paris quand ils ont postulé devant l’un des tribunaux de grande instance de Paris, Bobigny et Créteil et auprès de la cour d’appel de Versailles quand ils ont postulé devant le tribunal de grande instance de Nanterre. La dérogation prévue au dernier alinéa du même article 5 leur est applicable. » Il est dérogé à cet aménagement dans le cadre des procédures de saisie immobilière et des procédures de partage et de licitation, dans les cas où l’avocat intervient au titre de l’aide juridictionnelle et dans les instances dans lesquelles il ne serait pas maître de l’affaire chargé d’assurer la plaidoirie.

  • La sanction des irrégularités

Aux termes de l’article 117 du Code de procédure civile, le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l’acte. C’est en ce sens qu’a statué la Cour de cassation (Cass. 2e civ., 9 janvier 1991, no 89-12457 - Cass. 2e civ., 24 février 2005, no 03-11718).

Les parties peuvent soulever cette irrégularité à tout stade de la procédure (C. pr. civ., art. 118). En revanche, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue, sous réserve que l’irrégularité puisse être couverte (C. pr. civ., art. 121).

Dans un arrêt du 16 octobre 2014, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a admis que l’article 2241, alinéa 2 du Code civil selon lequel l’annulation par l’effet d’un vice de procédure de l’acte de saisine de la juridiction interrompt les délais de prescription et de forclusion, s’applique à la décision d’annulation d’une déclaration d’appel basée sur l’article 117 du Code de procédure civile. Ainsi, une nouvelle assignation ou une nouvelle déclaration d’appel pourront être régularisées si les premières ont été annulées.

3. L’inapplicabilité du régime de postulation territoriale devant les cours d’appel statuant en matière prud’homale

Le régime de la postulation territoriale n’est pas applicable devant les cours d’appel statuant en matière prud’homale y compris en Alsace-Moselle.

  • Exclusion des procédures d’appel en matière prud’homale

Les dispositions du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatives à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail prévoient que la procédure avec représentation obligatoire est applicable aux appels introduits en matière prud’homale à partir du 1er août 2016.

Cependant, ce texte n’a pas pour effet de rendre applicables les règles de la postulation.

L’appel en matière prud’homale échappe au principe général d’assistance et de représentation par avocat ; aux termes de l’article L. 1453-4 du Code du travail issu du 19° de l’article 258 de la loi du 6 août 2015 : « Un défenseur syndical exerce des fonctions  d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale. » Cette règle fait exception au monopole d’assistance et de représentation des avocats prévu par l’article 4 de la loi du 31 décembre 1971.

L’esprit de la réforme, issue de la loi du 6 août 2015 et de ses décrets d’application, va dans le sens de l’exclusion de la postulation devant les cours d’appel statuant en matière prud’homale.

La procédure instituée par le décret du 20 mai 2016 ne constitue pas une simple extension du champ de la procédure avec représentation obligatoire mais instaure une procédure spécifique de représentation obligatoire pour la matière prud’homale ; les règles relatives à la représentation obligatoire par avocat sont identiques à celles concernant un délégué syndical. En conséquence, à partir du 1er août 2016, la représentation devant les cours d’appel demeure ouverte à tout avocat sans postulation.

  • Le Réseau privé virtuel des avocats (RPVA)

Le décret du 20 mai 2016 stipulait que les avocats devaient communiquer avec les chambres sociales des cours d’appel par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) sous peine d’irrecevabilité de l’acte. Or, les avocats ne peuvent avoir accès qu’au RPVA des cours d’appel dans le ressort desquels ils sont inscrits. En cas d’impossibilité de communication avec le greffe, les dispositions de l’article 930-1 du Code de procédure civile permettent aux avocats de transmettre leurs actes de procédure à la juridiction sur support papier.

Les greffes devront viser les actes transmis et indiquer leur date de réception, situation qui ne pourra concerner les avocats du ressort de leur cour.

Dès le 1er août 2016, conformément à la convention cadre nationale concernant à la communication électronique entre les juridictions ordinaires du premier et du second degré et les avocats, conclue entre le Conseil national des Barreaux et le ministère de la Justice le 24 juin 2016, tout avocat pourra, via la RPVA, postuler devant tout tribunal de grande instance du ressort de la cour d’appel dans lequel est établi son domicile professionnel et devant ladite cour, dans le respect des règles du code de procédure civile.

Le Conseil national des Barreaux a engagé des discussions avec le ministère de la Justice afin de dégager des solutions techniques qui devraient permettre à terme, d’ouvrir la communication électronique au niveau national pour l’accomplissement des actes de procédure devant l’ensemble des chambres sociales des cours d’appel.

  • Exclusion identique dans le ressort des cours d’appel de Colmar et de Metz

La loi du 20 février 1922 (art. 8)  sur l’exercice de la profession d’avocat et la discipline du Barreau en Alsace-Lorraine qui instaure un régime spécifique de postulation devant les cours d’appel de Metz et de Colmar ne faisant pas appel aux avoués n’a pas été abrogé par l’article 51 de la loi du 6 août 2015. Devant ces cours d’appel, le droit de représentation et de postulation appartient aux avocats du Barreau de la ville où siège la cour et inscrits au tableau particulier des avocats de cette cour.

Les dispositions de l’article 258, 19° de la loi du 6 août 2015 qui permettent à un défenseur syndical d’exercer des fonctions d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale s’appliquent en Alsace-Moselle. En appel, selon le décret du 20 mai 2016, les parties disposent de l’alternative entre la représentation par un défenseur syndical ou un avocat.

Sources : Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

Décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relative à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail

Dépêche du garde des Sceaux, ministre de la Justice en date du 27 juillet 2016