Les traités pratiques Bailly

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Confiance

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Il ne s’agissait que de ça en fait, de confiance !

 

La loi pour la confiance dans les institutions judiciaires avait pour objectif premier de restaurer celle-ci notamment avec la profession d’avocat. Dans cette perspective, notre garde des Sceaux, ancien avocat, avait entrepris de redonner à notre secret professionnel une assise qui fut bousculée par les jurisprudences parfois contradictoires des différentes chambres de la Cour de cassation.

Contrairement à ce qui existe dans différents pays, dont notamment la Tunisie, le secret professionnel des avocats n’est pas constitutionnel en France. Il résulte cependant de plusieurs lois dont les diverses régissant la profession d’avocat qui ont permis la rédaction de notre deuxième article de notre règlement intérieur national qui dispose : « Le secret professionnel de l’avocat est d’ordre public. Il est général, absolu et illimité dans le temps… ».

 On rappellera, en outre, que la violation de ce secret professionnel est sanctionnée par l’article 226 – 13 du code pénal, avec des peines maximales encourues d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

Il était donc envisagé dans ce projet de loi de « sacraliser » d’une certaine façon ce secret professionnel dans sa dichotomie qui pose problème : « Défense » d’un côté et « Conseil » de l’autre. Il n’a jamais été question de conférer aux avocats une immunité totale liée au secret professionnel qui empêcheraient ceux qui violent délibérément la loi d’être poursuivis. Dans toutes les activités et professions, il y a des délinquants, et leurs actes ne doivent en aucune façon rester impunis.

Ce qui était recherché d’un commun accord, était la protection du justiciable et du client tant il est important de le rappeler pour s’en convaincre que le secret professionnel n’est pas celui des avocats, mais de ceux qui viennent les consulter. L’ambition était sûrement trop grande.

En effet, la dichotomie Défense/Conseil a été retenu par la loi votée le 18 novembre 2021. Si le secret concernant la Défense semble être consacré, pour nous l’espérons de nombreuses années, il n’en est pas de même en ce qui concerne celui lié au Conseil. Nous saluerons d’ailleurs le travail acharné et intransigeant de nos instances représentatives, dont notamment le vice-bâtonnier élu Vincent Nioré.

Ainsi,

  • La présence du bâtonnier, garant de la défense du secret professionnel, a été préservée pendant les perquisitions.
  • De la même manière, un article concernant la non-intentionnalité des agissements d’un avocat a été supprimé.
  • Néanmoins, le principe du secret des conseils donnés par un avocat souffre maintenant de plusieurs exceptions qui ne manqueront pas d’être interprétées très largement, l’histoire nous l’a démontré, par la jurisprudence.

Ceci est grave pour au moins deux raisons.

Premièrement, parce que dans le pays de la déclaration des droits de l’Homme, le secret professionnel de l’avocat se situe dans les moins protégés.

Deuxièmement, parce que la France se trouve en contradiction une nouvelle fois avec les normes supérieures européennes.

Ainsi, dans un arrêt du 6 juin 2019, la cour de justice de l’union européenne a défini précisément la relation avocat/client. Elle retient ainsi que la directive 2014/24 qui régit les services délivrés par les avocats, à savoir la représentation dans le cadre de procédures judiciaires ou arbitrales, concernent également le conseil juridique fourni dans le cadre de la préparation, ou de l’éventualité d’une telle procédure. Ces prestations de services délivrés par un avocat ne peuvent se concevoir que dans le cadre d’une relation intuitu personae entre l’avocat et son client, marquée par la confidentialité la plus stricte. De toute évidence, la CJUE consacre qu’il ne peut y avoir de dichotomie Défense/Conseil puisque le second s’inscrit dans une action préparatoire, ou préventive du premier. Enfin, la cour de justice européenne considère que le secret professionnel de l’avocat s’intègre dans l’exercice du droit à la défense qui lui-même fait partie des droits fondamentaux édictés par le droit de l’union européenne.

Nous devrons nous retourner une fois encore vers l’Europe ?