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Nouveau Code de justice pénale des mineurs : « Réintroduire la dimension éducative »

Nadia Beddiar est maître de conférence en droit public à l’université catholique de Lille et chercheur associé au Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales, en droit pénitentiaire et procédure pénale des mineurs. Dans son dernier ouvrage, Le régime de détention des mineurs, paru aux éditions Berger-Levrault, Nadia Beddiar propose une synthèse du droit pénitentiaire des mineurs. Elle nous livre une première analyse de la réforme de l’ordonnance no 45-174 du 2 février 1945, qui crée un Code de justice pénale des mineurs, et son impact sur la détention des jeunes délinquants.

Propos recueillis par Caroline Brandt

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Quelle est la genèse de cette réforme ?

L’ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 décrit la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants. Créé après la guerre, ce texte est remarquable pour sa philosophie humaniste et son approche éducative pour les jeunes délinquants. Cependant, au début des années 90, on a assisté à un tournant répressif du droit pénal des mineurs et à une inflation législative qui a complexifié les procédures et dénaturé la philosophie originelle de protection des mineurs portée par l’ordonnance de 1945. Afin de simplifier la justice des mineurs, le rapport de la commission Varinard a proposé, en 2008, la création d’un Code de justice pénale des mineurs. Une idée qui a été reprise par le gouvernement avec l’ordonnance no 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du Code de justice pénale des mineurs et qui sera applicable au 1er avril 2021.

Que va changer cette réforme ?

Ce code vise à simplifier la procédure pénale pour les mineurs avec notamment, et c’est la grande nouveauté, l’introduction d’une mise à l’épreuve éducative, c’est-à-dire un suivi du jeune par des éducateurs pour une durée de six à neuf mois, avant une 2e audience de jugement tenant compte de cette mise à l’épreuve. L’idée est de réintroduire la dimension éducative pour le mineur délinquant, de raccourcir les délais de jugement d’une durée de 18 à 24 mois actuellement, et de permettre une indemnisation accélérée pour la victime. Avec ce nouveau code, l’idée est aussi de favoriser le suivi en milieu « ouvert » afin que moins d’enfants se retrouvent derrière les barreaux.

Le nouveau Garde des Sceaux souhaite, en effet, réduire le nombre de mineurs détenus. Quelles sont leurs conditions de détention actuellement ?

Au 1er avril 2020, 780 mineurs étaient incarcérés. La grande majorité d’entre eux est emprisonnée dans les quartiers pour mineurs des maisons d’arrêt, car il n’existe que six Établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM).

Or, le 30 janvier 2020, la Cour européenne des droits de l’Homme a une nouvelle fois condamné la France pour les conditions de détention indignes dans les maisons d’arrêt. Une condamnation suivie par la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 8 juillet 2020, donne la possibilité à un juge de mettre fin à des conditions de détention indignes. Cet arrêt peut intéresser les mineurs détenus dans des maisons d’arrêt souvent vétustes.

En outre, les détenus mineurs sont, pour la majorité, en situation de détention provisoire, c’est-à-dire incarcérés dans l’attente d’être jugés. Avec ce nouveau code, l’idée est d’inciter les magistrats à moins recourir à des peines privatives de libertés et à privilégier un suivi en milieu « ouvert », à mon sens, beaucoup plus adapté aux mineurs.