« Le JCP, juge des situations de vulnérabilité »
Depuis le 1er janvier 2020, le juge d’instance devient le juge des contentieux de la protection. Une nouvelle fonction créée par la loi no 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019. Décryptage avec Jean-Louis Cioffi, vice-président du tribunal judiciaire de Besançon en charge des fonctions de juge des contentieux de la protection et magistrat coordonnateur des pôles civil, famille, protection et social.
Quelle est la genèse de cette nouvelle fonction ?
La création du juge des contentieux de la protection (JCP) est issue de la volonté du législateur de restructurer l’architecture judiciaire de première instance par la création d’une juridiction unique. Une volonté qui s’exprime depuis une quarantaine d’années par l’intermédiaire de nombreux rapports visant à rationaliser l’architecture judiciaire de première instance. En 2018, le rapport Agostini et Molfessis relatif à l’amélioration et la simplification de la procédure civile préconise la création d’une juridiction unique de première instance afin de supprimer le « puzzle judiciaire » et de permettre une symétrie avec la juridiction administrative.
Directement inspirée de ce rapport, la loi no 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 consacre la fusion du tribunal de grande instance et du tribunal d’instance en une seule juridiction : le tribunal judiciaire, au sein duquel officie désormais le juge des contentieux de la protection, ancien juge d’instance. Quant à cette nouvelle dénomination de « juge des contentieux de la protection », elle met en lumière notre spécificité qui est de juger des situations de vulnérabilité personnelle physique ou psychique, mais aussi économique et sociale.
Quel est votre périmètre d’action ?
Les attributions de l’ancien juge d’instance en matière de protection des vulnérabilités sont maintenues (COJ, art. L. 213-4-2 à L. 213-4-7). Ainsi, le juge des contentieux de la protection demeure le juge des tutelles des majeurs protégés. Ses attributions sont maintenues également en matière d’expulsion des occupants sans droit ni titre d’un immeuble bâti, en matière de baux d’habitation, de crédits à la consommation et de surendettement des particuliers.
En revanche, selon les textes, le JCP n’est plus compétent pour connaître l’ensemble des litiges civils de moins de 10 000 euros. Mais dans la pratique et selon l’organisation voulue par le chef de juridiction, le JCP pourra continuer à en connaître au titre du contentieux civil général et notamment au sein des tribunaux de proximité, chambres détachées du tribunal judiciaire. Le JCP perd aussi sa compétence en matière de cession et de saisie des rémunérations, dévolues au juge de l’exécution. Enfin, cette réforme permet au JCP, habituellement juge unique, de renvoyer l’instance en judiciaire collégial pour un dossier particulier.
Quel est l’impact de cette réforme sur les magistrats et les agents du greffe ?
Cette réforme a davantage d’impact, selon moi, pour les agents du greffe. Avant la réforme, même si le tribunal d’instance était une juridiction autonome par rapport au tribunal de grande instance, tout magistrat qui en assurait le service relevait du tribunal de grande instance. En revanche, le greffe du tribunal d’instance, qui était complètement autonome, est aujourd’hui mutualisé avec celui de l’ancien tribunal de grande instance, au sein du tribunal judiciaire. Cette mutualisation des personnels donne davantage de souplesse en matière de management pour les chefs de juridiction et les directeurs de greffe. Mais elle doit s’accompagner, à mon sens, d’un management à l’écoute des agents et attentif aux besoins spécifiques des territoires. Les bénéfices attendus étant une proximité renforcée pour le justiciable et davantage d’efficacité pour la juridiction.